Le Conseil de sécurité proroge de six mois les autorisations d’inspection des navires au large de la Libye, dans le cadre de l’embargo sur les armes
Le Conseil de sécurité a décidé, cet après-midi, de prolonger pour une nouvelle période de six mois les autorisations accordées depuis 2016 aux États Membres, agissant au niveau national ou par l’intermédiaire d’organisations régionales, d’inspecter les navires en haute mer au large des côtes libyennes, à destination ou en provenance de la Libye, dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils violent l’embargo sur les armes imposé à ce pays depuis 2011.
La résolution 2780 (2025), dont le texte était soumis par la France et la Grèce, a été adoptée par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Fédération de Russie).
Le texte ne présente aucune modification de fond par rapport à la résolution 2734 (2024), qui avait prorogé les autorisations susmentionnées jusqu’au 31 mai 2025. Le Conseil précise simplement qu’il agit en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression) et prie le Secrétaire général de lui faire rapport, dans un délai de cinq mois, sur l’application de cette résolution.
Avant le vote, la France a indiqué que la reconduction pour six mois du dispositif mis en place par la résolution 2292 (2016) et amendé par la résolution 2733 (2024) a été proposée par les deux corédacteurs à la demande des autorités libyennes.
Elle a ajouté que, sur la base de la nouvelle résolution, l’opération IRINI de l’Union européenne (UE), déployée depuis 2020 aux larges des côtes libyennes, continuera d’assurer le respect de l’embargo sur les armes en Libye, « qu’elle est la seule à mettre en œuvre en matière opérationnelle », et contribuera ainsi à la stabilisation de ce pays.
L’importance de cette opération militaire, compte tenu notamment de la fragilité de l’environnement politique et sécuritaire en Libye, a été soulignée, après le vote, par les autres délégations européennes, à commencer par celle de la Grèce, selon laquelle IRINI est « un instrument unique qui a un effet dissuasif face aux trafics et un outil pouvant contribuer de façon efficace à l’embargo sur les armes ». Par ses moyens aériens, maritimes et satellites, IRINI garantit la reddition de comptes et permet d’éviter des violations supplémentaires de l’embargo, a appuyé le Danemark, tandis que la Slovénie saluait le « message fort » envoyé par la résolution 2780 quant à l’engagement de l’UE pour la sécurité et la stabilité de la Libye, tout en invitant les États Membres et les autres organisations régionales à compléter le dispositif existant en inspectant sur leur propre territoire les cargaisons en provenance ou à destination de ce pays.
Soucieux de voir la Libye devenir, à terme, « l’acteur de sa propre sécurité », les États-Unis ont déclaré voir dans la nouvelle résolution un moyen de mise en œuvre de l’embargo sur les armes et de lutte contre les trafics. À cet égard, la délégation américaine s’est félicitée que l’opération IRINI soit un mécanisme utile de partage d’informations et alloue des ressources au suivi de l’application des sanctions.
La Somalie a exprimé un avis divergent. S’exprimant au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), elle a constaté qu’en dépit des efforts déployés par IRINI, marqués par plus de 2 000 arraisonnements, l’embargo sur les armes reste inefficace. Appelant à davantage de transparence et de redevabilité dans sa mise en œuvre ainsi qu’au renforcement du rôle du Comité des sanctions concernant la Libye, elle a formé l’espoir que, dans les six mois à venir, l’UE travaillera avec le Gouvernement libyen afin de renforcer la coopération et de veiller à ce que l’opération parvienne aux résultats escomptés. Le Pakistan s’est aligné sur cette position.
À son tour, la Chine a fait part de ses réserves sur l’efficacité d’IRINI et le traitement des marchandises saisies, justifiant ainsi son abstention. Elle a invité le Conseil à évaluer le mandat de cette opération européenne et à écouter le point de vue des autorités libyennes pour parvenir aux ajustements appropriés. Au vu de la situation complexe dans laquelle se trouve la Libye, elle a appelé la communauté internationale à lui fournir une assistance, dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, pour lui permettre de renforcer ses propres capacités sécuritaires.
Plus critique encore, la Fédération de Russie -qui s’abstient lors de ce vote depuis 2022- a constaté que, depuis son lancement en 2020, « IRINI n’a pas apporté de résultats convaincants quant à sa capacité à juguler la contrebande ». Elle s’est également inquiétée des méthodes utilisées par cette opération, regrettant en particulier l’autonomie dont jouit l’UE quant aux zones de patrouilles et aux navires inspectés. La délégation a par ailleurs déploré « l’interprétation sélective de la nature des marchandises inspectées », avant de dénoncer des décisions prises en dehors du cadre du mandat de la résolution 2292, ce qui, selon elle, « sape la confiance dans le mécanisme ».
« Est-il possible de parvenir à des progrès si la tâche principale incombe à un seul acteur régional qui ne produit pas les résultats escomptés? » s’est interrogé le représentant russe, ajoutant que « les Libyens eux-mêmes ne cachent pas leur mécontentement à l’égard d’IRINI et leur doute quant à la poursuite de son fonctionnement ». Selon lui, la bonne mise en œuvre des restrictions à l’encontre de la Libye ne sera possible que si tous les acteurs respectent « l’esprit et la lettre » des résolutions de sanction, respectent le droit international et garantissent la transparence et l’établissement des responsabilités sur leurs efforts. À ce stade, a-t-il conclu, « IRINI ne répond pas à ces critères ».
La situation en Libye
Texte du projet de résolution (S/2025/333)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant sa résolution 1970 (2011) imposant l’embargo sur les armes à la Libye et toutes ses résolutions ultérieures sur la question,
Rappelant également ses résolutions 2292 (2016), 2357 (2017), 2420 (2018), 2473 (2019), 2526 (2020), 2578 (2021), 2635 (2022), 2684 (2023) et 2733 (2024) concernant le strict respect de l’embargo sur les armes en haute mer au large des côtes libyennes,
Réaffirmant sa résolution 2755 (2024),
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide de prolonger les autorisations visées dans la résolution 2733 (2024) pour une nouvelle période de six mois à compter de la date de la présente résolution;
2. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport, cinq mois après l’adoption de la présente résolution, sur l’application de celle-ci;
3. Décide de rester activement saisi de la question.
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