Conférence sur l'océan: « Conserver, gérer durablement et restaurer les écosystèmes marins et côtiers, y compris ceux des grands fonds »
NICE, FRANCE, 9 juin - Alors qu’ils sont essentiels à la santé de notre planète et de nos sociétés, les écosystèmes marins et côtiers sont confrontés à une détérioration et à une déperdition accélérées. C’est le constat dressé lors de la première des 10 tables rondes organisées à Nice, en France, dans le cadre de la Conférence sur l’océan.
Il y a cependant lieu d’être prudemment optimiste, a estimé le Président-Directeur général de Flora & Fauna, et modérateur de cette discussion, en invoquant un élan politique, des connaissances scientifiques croissantes et un ensemble d’instruments et de cadres de référence internationaux. M. Kristian Teleki a cité en particulier le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, qui vise à protéger 30% des océans d’ici à 2030, et de l’Accord sur la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, qui n’attend plus que 29 ratifications supplémentaires pour entrer en vigueur.
Mais en dépit d’efforts déployés aux niveaux international et local qui ont déjà fait leurs preuves, les progrès restent trop lents, a reconnu M. Teleki. « La biodiversité des océans continue de décliner et des habitats essentiels demeurent menacés, alors même qu’il faut tripler la couverture des aires marines protégées au cours des cinq prochaines années pour atteindre l’objectif de 30% », a-t-il mis en garde.
Ce n’est pas seulement le nombre d’aires protégées qui doit être accru, mais aussi leur qualité et leur efficacité, a plaidé le PDG de Flora & Fauna. La protection doit également tenir compte du rôle essentiel des peuples autochtones, des communautés locales et des nations dépendantes des océans, a-t-il poursuivi. Et leur gestion durable ne peut se limiter aux seules zones protégées: plus de 70% des océans se trouvent au-delà, ce qui exige des approches intégrées et holistiques intégrant la conservation à une utilisation durable de l’ensemble des océans. Mais sans financement adéquat et accessible, nos ambitions communes seront inaccessibles, a prévenu le modérateur.
Mme Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a commencé par rappeler que le chalutage des fonds marins, une activité qui équivaut à un « ratissage » par une « moissonneuse batteuse », fait l’objet de subventions massives, y compris dans des zones protégées, à hauteur de 83 milliards de dollars. Autant d’argent qui « coule à pic », alors que les pêcheries pourraient être augmentées de 4% si une protection adéquate était fournie. Rebondissant sur ce sujet, Mme Ngozi Okomjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’est félicitée qu’après 22 ans de négociation, son organisation était parvenue à l’Accord sur les subventions à la pêche pour supprimer 22 milliards de subventions à une pratique illicite, subventions qui pourraient être réorientées vers le financement des mesures d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. Pour Mme Razan al Mubarak, qui est Présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la crise actuelle n’est pas « une crise de la connaissance, mais une crise de la volonté, de la cohérence et de la mise en œuvre », et sa résolution passe par trois priorités absolues: mettre l’accent sur l’intégrité des écosystèmes marins; faire entrer en vigueur le traité de la haute mer; et innover en matière de financements, en réaffectant les « subventions délétères ». Aussi a-t-elle appelé à maintenir l’élan, et à prendre appui sur le Congrès mondial de la nature de l’UICN, qui se tiendra du 9 au 15 octobre 2025 aux Émirats arabes unis, puis sur la Conférence de Bélèm sur les changements climatiques, prévue en novembre au Brésil.
M. Peter de Menocal, Président-Directeur général de l’Institut océanographique de Woods Hole, a préconisé des partenariats ambitieux pour accélérer les progrès vers la réalisation de l’ODD 14. Un propos appuyé par M. Marc Benioff, Président-Directeur général de Salesforce et membre du Conseil d’administration du forum économique mondial, qui a lui aussi appelé les États à ratifier le traité de la haute mer (Accord BBNJ) et se rapprocher de l’adoption d’un traité international contre la pollution plastique. Il a aussi mis l’accent sur l’innovation et la créativité, notamment en tirant le meilleur parti de l’intelligence artificielle. Celle-ci peut en effet autant favoriser la surpêche que l’atténuer, en redirigeant les bateaux vers des zones où ils pourront pêcher des quantités acceptables. De même, il a appelé à un effort mondial ciblé pour restaurer la santé des récifs coralliens, les « forêts tropicales des océans ».
Discussion interactive
Lors du dialogue qui s’est ensuivi, plusieurs délégations ont fait valoir les projets dans lesquels sont impliqués leurs gouvernements. Les Tuvalu, qui ont pris la parole au nom du Forum des îles du Pacifique, ont expliqué que leurs États membres œuvraient avec leurs partenaires « à la protection de nos infrastructures, de nos habitations et de nos terres, dans le cadre d’une stratégie d’adaptation côtière à long terme ». À titre d’exemple, les Tuvalu s’associent au Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) pour réhabiliter environ 180 hectares d’écosystèmes côtiers et les protéger des inondations et de l’érosion côtières.
La Grèce, qui a annoncé sa ratification aujourd’hui même de l’Accord BBNJ, a enjoint à mettre en œuvre de toute urgence ce traité. Elle a ensuite proposé de bâtir un réseau résilient d’aires marines protégées et de déployer des mesures de conservation spécifiques par zone. La délégation a aussi soutenu une restauration ambitieuse des herbiers marins, des mangroves et des récifs coralligènes. Elle a cité à l’appui de sa proposition la conservation des herbiers de posidonies de Méditerranée, une espèce de plantes à fleurs aquatiques, qui possède une très forte capacité d’absorption du carbone, 15 fois supérieure à celle d’une zone de taille similaire de la forêt amazonienne.
Le Brésil a fait état d’une nouvelle proposition de loi, actuellement examinée par le Congrès, qui créerait un cadre juridique pour consolider la gestion intégrée des zones côtières, de la mer territoriale et de la zone économique exclusive. « Nous nous sommes également engagés à prendre des précautions concernant l’exploitation minière en eaux profondes, dans le cadre de l’Autorité internationale des fonds marins, et nous étendons nos aires marines protégées, conformément à notre engagement envers l’objectif 30x30 du Cadre mondial pour la biodiversité, qui vise à protéger au moins 30% des océans d’ici à 2030 », a ajouté la délégation brésilienne.
L’Uruguay a souligné l’importance de la coopération régionale, dans son cas particulier avec l’Argentine et le Brésil, pays avec lesquels a été lancée une initiative sur le renforcement des capacités de gestion durable de la biodiversité marine dans l’Atlantique Sud-Ouest.
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