En cours au Siège de l'ONU

Commission préparatoire pour l’entrée   en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine,
Première session, matin & après-midi 
MER/2213

BBNJ: la Commission préparatoire pour l’entrée en vigueur de l’Accord sur la biodiversité marine étudie le fonctionnement du « Centre d’échange » d’informations

La Commission préparatoire a poursuivi aujourd’hui ses travaux sur un éventail de questions, dont l’architecture du Centre d’échange créé par l’article 51 de l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Accord BBNJ). 

Le Centre d’échange servira de plateforme centralisée, « en libre accès », permettant aux parties d’obtenir, de fournir et de diffuser des informations concernant les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, la création d’outils de gestion comme les aires marines protégées, ou encore les évaluations d’impact sur l’environnement. 

Les délégués étaient saisis d’une note préparée par la Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l’ONU. 

Avant d’aborder pour la première fois cette question, la Commission a repris, ce matin, la préparation du futur règlement intérieur de la Conférence des Parties (COP) et de ses organes subsidiaires, que la COP approuvera lors de sa première réunion, et sur les dispositions relatives au fonctionnement du secrétariat de l’Accord.

Groupe de travail I sur le règlement intérieur de la Conférence des Parties à l’Accord et sur le mandat, les modalités de fonctionnement et le règlement intérieur des organes subsidiaires créés en application de l’Accord 

Lors du débat mené sous l’égide du Coprésident australien, M. Adam McCarthy, toutes les délégations ont semblé appuyer l’idée que le projet de règlement intérieur de la COP, proposé par les coprésidents pour faciliter les négociations, serve mutatis mutandis aux délibérations sur les organes subsidiaires.  Ce serait « la solution de sécurité », a confirmé Singapour, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS).  « Cela permettrait cohérence, efficacité et prévisibilité dans la prise de décisions », a abondé la Türkiye, en accord avec le Maroc, au nom du Groupe des États d’Afrique.

Le Core Latin American Group (CLAM) a cependant observé que l’application mutatis mutandis n’allait pas régler tous les problèmes et qu’il faudrait bien des règlements intérieurs supplémentaires pour certains organes subsidiaires.  Il s’agit dès lors de décider si chaque organe subsidiaire a besoin de son propre règlement intérieur -on pourrait, le cas échéant, étudier si tel est le cas dans d’autres dispositifs du même type- ou bien s’il faut concocter un seul règlement général pour l’ensembles des organes subsidiaires.

La Suisse s’est dite préoccupée de la structure « très complexe » en train d’être imaginée.  L’application mutatis mutandis est certes un pas dans la bonne direction, mais quand la Suisse entend de nombreuses délégations vouloir un règlement intérieur pour chaque organe subsidiaire, elle craint, dans la pratique, que les règles à appliquer « ne se perdent en chemin ».  De même, d’après cette délégation, ce n’est pas une excellente idée de donner une liberté totale aux organes subsidiaires pour qu’ils puissent monter leur propre règlement intérieur.  Dans sa première déclaration, a-t-elle rappelé, la Suisse proposait une sorte de « règlement intérieur modulaire », avec des règles standards et une ossature commune.

La Fédération de Russie a attiré l’attention sur le fait que la Convention sur la diversité biologique, extrêmement complexe, créait déjà des chevauchements.  C’est pourquoi il est nécessaire selon elle de bien préparer le règlement intérieur, d’autant que la portée de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer concerne absolument tous les États.

Les délégations se sont ensuite penchées sur la corrélation entre le futur règlement intérieur et les articles 6 et 18 de l’Accord BBNJ, qui portent sur des questions de souveraineté.  Pour rappel, l’article 6 indique que l’Accord ne peut être invoqué pour faire valoir ou rejeter une quelconque revendication de souveraineté. L’article 18 précise, lui, que la création d’outils de gestion par zone, y compris d’aires marines protégées, « ne porte sur aucune zone relevant de la juridiction nationale et ne peut être invoquée pour faire valoir ou rejeter une revendication de souveraineté ».

Aucune décision ne doit porter préjudice à la souveraineté des États Membres, a approuvé le Groupe des États d’Afrique.  Pour la Türkiye aussi, l’article 6 est clair: les dispositions du règlement intérieur ne doivent pas menacer la souveraineté des États, ni modifier la nature de l’Accord.  Il ne s’agit donc pas là de traiter de zones relevant de la juridiction des États, a-t-elle confirmé.  « Cela est important pour des questions de confiance mutuelle et de clarté juridique », même si la Türkiye s’est dit prête à en discuter plus avant.

Face à d’éventuelles situations de concurrence entre traités, la Suisse a préconisé de respecter le principe selon lequel les règles existantes se renforcent mutuellement.  Pour la Chine, les articles 6 et 18 sont des éléments clefs du droit de la mer et doivent absolument être mis en pratique.  Ils ont des conséquences sur l’intérêt général et leur mise en œuvre est consubstantielle à la réalisation de l’Accord BBNJ, a estimé la délégation.  Si certains pays ont relevé que lesdits articles faisaient référence à des problèmes de fond plutôt que de procédure, elle a fait valoir qu’ils pouvaient tout de même être inscrits dans le règlement intérieur, et elle a suggéré de s’inspirer de pratiques internationales utiles à cette fin.

Le Coprésident a proposé de préparer une version révisée du document de la Commission préparatoire destiné à guider les délégations.  À cette fin, il a invité ces dernières à envoyer leurs suggestions et remarques d’ici au 2 mai - ce qui a fait réagir la Russie, qui a estimé que ce délai était trop court pour préparer des questions de fond.

Groupe de travail I sur les dispositions relatives au fonctionnement du secrétariat, y compris son siège

Prenant les rênes de la discussion, la Coprésidente, Mme Janine Elizabeth Coye-Felson (Belize), a ensuite invité les délégations à reprendre l’examen des dispositions relatives au fonctionnement du secrétariat, y compris son siège.  Elle a annoncé préparer une liste de futures questions dans un document que le Secrétariat de l’ONU produira pendant l’intersession, portant sur les modalités d’organisation des secrétariats de certains instruments représentatifs de chaque modèle décrit dans la note préparée pour la présente réunion.

Ce document informera sur des points tels que la taille et la structure des secrétariats, le mécanisme de financement -y compris le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)-, les fonds spéciaux, les barèmes des contributions, les relations avec le système des Nations Unies et les dispositions relatives au siège, entre autres.  « Comme l’ont demandé les délégations, le document fournira des informations factuelles et ne contiendra aucune analyse ou évaluation des mérites des différents modèles », a précisé Mme Coye-Felson.

Néanmoins, étant donné le court délai dans lequel le document devra être produit, ainsi que la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires, il ne sera pas possible, à ce stade, d’offrir aux délégations des informations sur les budgets estimés pour le futur secrétariat de la BBNJ en fonction du modèle choisi, a-t-elle ajouté.

L’Union européenne a réclamé davantage de détails s’agissant de la procédure de désignation du chef du secrétariat, entre autres.  Pour la Russie, il n’existe pas de dispositions relatives au financement des structures créées par l’Accord BBNJ.  Elle a appelé à prendre en compte les préoccupations des pays en développement à cet égard.  L’article 52 précise aussi que tant que le secrétariat n’est pas mis sur pied, le Secrétaire général de l’ONU jouera son rôle: la Russie pense que c’est l’option la plus raisonnable.  Les Palaos ont proposé que tous les candidats potentiels à devenir pays hôtes soient communiqués aux parties de manière globale.

Trinité-et-Tobago, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a souligné que la transparence et la clarté étaient nécessaires s’agissant de la sélection du siège du secrétariat.  Au nom du Groupe des États d’Afrique, l’Afrique du Sud a souligné que le lien avec le Secrétariat de l’ONU faisait que le secrétariat de la COP devrait se conformer aux règles et standards onusiens.  Ce secrétariat doit créer des postes dédiés au transfert des technologies et au renforcement des capacités; la parité hommes-femmes, ainsi que la représentation des pays en situation particulière, doit faire l’objet d’attentions particulières.

La Micronésie, au nom des petits États insulaires en développement (PEID), a réitéré son enthousiasme à l’idée que des représentants des pays en situation particulière soient élus dans chaque bureau des organes subsidiaires.  Elle a réitéré son souhait que les représentants des PEID et des peuples océaniques aient vraiment voix au chapitre.  Le Cameroun a appelé à ne « pas encourager la désaffection » et à maintenir un quorum aux deux tiers pour toute prise de décisions, comme c’est d’ailleurs normalement le cas à l’ONU.

La Belgique a fait valoir des arguments forts pour que le secrétariat du BBNJ s’installe à Bruxelles.  Il y gagnerait « une efficacité et une indépendance hors pair », a-t-elle assuré. Le secrétariat de la BBNJ serait immédiatement opérationnel, au cœur même d’un pôle diplomatique doté de plus de 150 ambassades, avec un environnement où les familles peuvent prospérer et une communauté internationale aidante et des structures durables.  « Bruxelles est préparée.  Bruxelles est prête », a insisté la déléguée.

Groupe de travail II sur les questions relatives au fonctionnement du Centre d’échange

Dans l’après-midi, les délégations ont donc attaqué le débat sur le rôle du Centre d’échange, « pierre angulaire » du transfert de connaissances et de technologies marines.  Déterminant pour la mise en œuvre des dispositions de l’Accord BBNJ, cet outil jugé « indispensable » devra être une plateforme « inclusive » et « ergonomique ». 

Afin d’assurer l’interopérabilité du Centre, la composante humaine sera également « tout aussi importante » que les capacités techniques, a insisté le Sénégal, au nom du Groupe des États d’Afrique.  Pour la majorité des délégations, y compris l’Union européenne et le Royaume-Uni, l’« élément humain » sera fondamental pour garantir la transparence, l’intégrité, l’évolution et la sécurité du Centre, ainsi que pour assurer la coopération et l’appui aux utilisateurs.  Le Sénégal a suggéré la mise en place d’un processus dirigé par une équipe multidisciplinaire pour garantir la cohérence et l’exactitude des informations.  Afin de maintenir l’expertise des ressources humaines, Vanuatu, au nom des PEID du Pacifique, a préconisé des formations régulières. 

La coordination du Centre avec les parties prenantes, les organisations et les centres d’échanges nationaux sera également essentielle pour son interopérabilité.  Le Samoa, au nom de l’AOSIS, appuyé par plusieurs autres délégations, a souhaité que le Centre soit doté d’un système de notifications efficaces en fonction des intérêts, d’un système d’alerte en temps réel sur les activités ayant lieu dans les zones pertinentes.  Selon l’Alliance Haute Mer, ce système doit être opérationnel dès l’entrée en vigueur de l’Accord.  La Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO a témoigné de son expertise technique de plusieurs décennies dans le domaine de la coordination: le Système d’informations sur la biodiversité de l’océan (OBIS) est accessible et interopérable, avec plus de 2 millions d’échantillonnages disponibles. 

S’agissant de l’inclusivité du Centre, la quasi-totalité des groupes de représentants ont insisté sur les besoins spécifiques des pays en développement afin de leur permettre de surmonter les obstacles auxquels ils font face. Le Centre doit faciliter la coopération internationale, spécifiquement dans le transfert de technologies marines vers les pays en développement, a déclaré l’Iraq, au nom du Groupe des 77 et la Chine.  Il faut assurer un appui pour le transfert des technologies afin de permettre aux pays en développement de coopérer et d’honorer l’Accord, ont appuyé les Bahamas, au nom de la CARICOM.

Se faisant la gardienne des traités, la Russie a, sur ce point, regretté que l’Accord comprenne l’article 11 établissant qu’un État ne peut prétendre à des ressources génétiques marines en dehors de sa juridiction, une disposition « reprise mutati mutandis de la Convention sur le droit de la mer ». Selon la déléguée russe, il sera donc important de tenir compte de la répartition des droits à la propriété intellectuelle dans le cadre du partage des connaissances et le renforcement des capacités, qui devra se faire via des mécanismes de coordination du secrétariat et en accord avec le droit international. 

Le Samoa, au nom de l’AOSIS, et Vanuatu, au nom des PEID du Pacifique, ont souligné que le Centre doit également être adapté aux circonstances particulières des PEID en prenant en compte leur emplacement géographique, le manque d’infrastructures technologiques et les difficultés d’accès à Internet.  Notant la connexion instable ou limitée dans de nombreux pays, le Sénégal, toujours au nom du Groupe des États d’Afrique, a estimé que la fonction « hors ligne » sera dès lors fondamentale pour garantir l’inclusivité et l’accessibilité à toutes les parties de l’Accord, y compris aux communautés autochtones et locales. 

Par ailleurs, le Conseil international environnemental a recommandé de rendre le Centre accessible aux personnes avec un handicap moteur, visuel ou auditif, tandis que quelques délégations, dont l’Union européenne et le Sénégal, ont aussi mentionné l’importance du multilinguisme. 

Pour garantir l’ergonomie et la « convivialité » du Centre, les délégations n’ont pas manqué de faire des suggestions.  L’Australie a préconisé une interface « facile à naviguer » avec des explications claires, des directives pas à pas et des filtres avancés pour organiser les informations.  Ces informations doivent être structurées afin de promouvoir la cohérence et faciliter la recherche par type d’utilisateur.  Le Groupe des États d’Afrique a demandé des ressources d’apprentissage en ligne comprenant des vidéos, des cours et des questions-réponses.  Le Centre doit faciliter de « véritables partenariats » plutôt que de se concentrer uniquement sur le stockage d’informations, a estimé le délégué sénégalais. 

Concernant le délai pour la mise en place du Centre, le Mexique, au nom du CLAM, appuyé par l’Islande, a souhaité un Centre opérationnel dès l’entrée en vigueur de l’Accord.  À cette fin, l’Iraq, au nom du G77 et de la Chine, appuyé par le Royaume-Uni, la Norvège ou encore la Nouvelle-Zélande, a proposé des modalités provisoires et itératives dans le cadre d’une « phase pilote » -ou « phase intermédiaire », selon la préférence de l’Alliance Haute Mer- et la consultation d’un groupe d’experts techniques durant la période d’intersession qui formulerait des recommandations d’ici à la seconde session de la Commission préparatoire.  D’autres délégations, comme Vanuatu, ont plutôt insisté sur l’adaptabilité du Centre pour qu’il réponde aux besoins futurs.  Sur ce point, la Thaïlande a évoqué l’application potentielle des technologies émergentes pour améliorer le Centre.  Dans cet esprit, l’Union européenne a salué les avantages de l’intelligence artificielle pour réduire les coûts dans le cadre de l’enregistrement des informations.

Il s’agit toutefois de ne pas « réinventer la roue », ont fait remarquer l’Union européenne, la Türkiye et les Bahamas, au nom de la CARICOM. Il faut effectivement s’inspirer des centres d’échange existants, a abondé la Chine.  Le Japon a toutefois fait remarquer que, sur l’aspect financier, d’autres plateformes jouissaient de cadres financiers préexistants, ce qui n’est pas le cas pour ce nouveau mécanisme. 

En fin de session, le Saint-Siège a remercié les délégations pour leurs condoléances à la suite du décès du pape François.  « Le pape était fermement convaincu par le multilatéralisme et était bien informé sur les océans. » 

 

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