L’Assemblée générale proclame à la fois la « Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales » et celle « des personnes sourdaveugles »
Ce fut un jour spécial aujourd’hui à l’Assemblée générale des Nations Unies qui a proclamé deux journées internationales. L’une, le 27 juin, pour sensibiliser sur les personnes sourdaveugles; l’autre, le 4 décembre, promue comme « Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales », des mesures qui « tuent comme des balles », selon le Nicaragua.
Cette dernière résolution, fort discutée avec le cas de Cuba comme référence, n’a pas reçu les suffrages de la plupart des pays occidentaux, dont les États-Unis qui ont dénoncé, en expliquant leur vote négatif, le bien-fondé des leurs sanctions visant à combattre des actes repréhensibles comme le terrorisme et la criminalité. La délégation a balayé du revers les allégations faisant croire que les sanctions américaines induisent des souffrances, tout en mettant en avant les dérogations humanitaires. Comme elle, 50 autres délégations ont voté contre ce texte qui a reçu 116 voix en sa faveur et 6 abstentions (Bahamas, États-Unis, Kazakhstan, Panama, Paraguay et Türkiye).
L’Assemblée s’est également prononcée en faveur d’un texte portant sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe, et elle a terminé son débat entamé le 5 juin dernier sur le rapport du Secrétaire général intitulé « L’urgence d’aujourd’hui: le sida à la croisée des chemins –état des progrès accomplis au regard des cibles fixées pour 2025 et objectifs stratégiques pour l’avenir ».
Le texte sur la surdicécité reconnaît, par acclamation, ce handicap à part entière, avec ses propres enjeux, obstacles et exigences en matière de soutien et d’inclusion.
Des sanctions indésirables, car entravant le développement
Le texte sur la journée du 4 décembre était porté par le « Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies » dont le porte-voix, l’Érythrée, a expliqué que « ces mesures sapent le système multilatéral que nous sommes réunis ici pour défendre ».
L’Assemblée a donc décidé que cette journée sera célébrée chaque année à compter de 2025. Elle exhorte, « une fois encore », les États à s’abstenir de prendre, d’adopter et d’appliquer des mesures économiques, financières ou commerciales unilatérales dérogeant au droit international ou à la Charte des Nations Unies, et qui font obstacle à la pleine réalisation du développement économique et social, en particulier dans les pays en développement ou la compromettent de toute autre manière.
En outre, elle invite sa présidence à organiser chaque année et à compter de 2025 une réunion plénière informelle en vue de célébrer et de promouvoir la Journée internationale contre les mesures coercitives unilatérales, avec la participation des États Membres et des observateurs auprès de l’Assemblée, ainsi que de sa présidence et ou du Secrétaire général.
C’est « plus d’un tiers de la population mondiale, dans plus de 30 pays », qui subit directement le poids de ces mesures cruelles et illégales, a argumenté l’Érythrée, au nom du Groupe des Amis de la Charte. De plus, leurs effets extraterritoriaux s’étendent encore plus loin, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement mondiales, entravant le développement et menaçant la coopération internationale, tout en empêchant les tiers de s’engager dans des échanges commerciaux ou une coopération licites.
Particulièrement concerné par le sujet, le Ministre des affaires étrangères de Cuba a dénoncé l’embargo des États-Unis contre son pays, « une sanction et une guerre menée sans répit ». L’objectif, de nature coloniale, est de briser le pays, a-t-il déclaré en accusant les États-Unis de bafouer la souveraineté de Cuba tout en menaçant les pays qui coopèrent avec le pays. Les États-Unis frappent également de sanctions les navires transportant du carburant pour Cuba. « Ce sont des mesures de temps de guerre », a-t-il tranché, en ajoutant qu’elles violent le droit. Il a marqué sa solidarité avec tous les pays frappés de ce châtiment cruel que sont les sanctions.
L’Iraq, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a dénoncé les conséquences des sanctions, en particulier pour les transferts de technologie et la production industrielle, constatant que cela entrave la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Les sanctions sont aussi un obstacle à la participation aux réunions de l’ONU des délégués des pays frappés, a fait remarquer la délégation en rappelant que ces mesures violent le droit international et la Charte des Nations Unies. Elles doivent être éliminées, a-t-il jugé. Le Groupe a d’ailleurs demandé la nomination d’un représentant spécial chargé notamment d’évaluer les conséquences des sanctions.
Des sanctions illégales, une menace pour le multilatéralisme
Dans un même élan, l’Ouganda, au nom du Mouvement des pays non alignés, a condamné les sanctions et souligné leur illicéité. Il a demandé lui aussi une évaluation des conséquences des sanctions, notamment sur le développement des pays touchés. Il a aussi noté que les sanctions empêchent certains pays de verser leurs contributions à l’ONU. « C’est une menace que nous ne pouvons plus ignorer. » Se joignant à ces critiques, le Gabon, au nom du Groupe des États d’Afrique, a demandé la levée des sanctions. Le Conseil est le seul organe habilité à prendre de telles mesures, a-t-il rappelé avant de demander la mise en place de mécanismes d’indemnisation des pays frappés par les sanctions. Il a aussi dénoncé les mesures protectionnistes prises par certains pays.
La République démocratique populaire lao s’est pour sa part dite opposée de longue date aux sanctions et préoccupée par leurs répercussions sur le développement des pays visés, alors que le Brésil a estimé que les sanctions sont illicites et illégitimes et qu’elles aggravent la pauvreté et les inégalités. Plus accusatrice, la République populaire et démocratique de Corée (RPDC) a estimé que les États-Unis tentent d’imposer leur volonté sur les autres États à travers l’unilatéralisme.
Allant plus loin, le Ministre des affaires étrangères la République bolivarienne du Venezuela a dénoncé « une nouvelle génération de mesures illégales, bien plus cruelles et destructrices que jamais, qui utilisent la douleur et la souffrance qu’elles provoquent délibérément comme moyen de promouvoir des programmes interventionnistes et de déstabilisation ». Pour le membre du Gouvernement, « ces mesures constituent clairement des crimes contre l’humanité et des violations massives des droits de l’homme, car elles visent clairement à priver des populations entières, entre autres, de leurs propres moyens de subsistance ». Il a argué que les soi-disant « exemptions humanitaires » ne sont qu’une pure fantaisie.
S’exprimant au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le Zimbabwe a rappelé que l’Afrique australe a déjà pris de l’avance en proclamant, en solidarité avec le Zimbabwe, le 25 octobre comme « Journée régionale contre les sanctions unilatérales ». Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la Malaise a relevé que ces mesures sapent la confiance des États en le multilatéralisme. L’Égypte a aussi dénoncé les sanctions unilatérales, arguant que les mesures et actions coercitives unilatérales qui impliquent une tentative d’appliquer ou de faire respecter des lois ou des législations nationales en dehors du territoire d’un État sont incompatibles avec les règles du droit international.
Pour le Nicaragua, « les mesures coercitives tuent comme des balles ». Elles tuent des enfants privés de soins, des femmes privées d’accès aux médicaments, et des familles incapables de se nourrir. Pour le Bélarus, l’application de telles mesures à des impacts néfastes sur tous les aspects du droit et notamment sur la santé des populations. Avis similaire pour la Colombie pour qui « de telles mesures sont particulièrement préjudiciables aux pays en développement et compromettent la capacité de leurs gouvernements à parvenir à un développement durable et à réaliser les investissements essentiels à la justice sociale ».
Le Chili a également dénoncé des mesures unilatérales qui limitent l’accès au financement, au commerce, à la technologie et à la coopération internationale, restreignant la capacité des États à concevoir et à mettre en œuvre des politiques publiques visant le bien-être de leurs citoyens. Convaincue également du bien-fondé de la résolution, la Chine a appelé tous les pays à voter pour et à défendre le multilatéralisme, que les sanctions sapent. Le droit au développement, qui est un droit pour tous les pays, est affecté par les sanctions, a martelé la délégation en appelant à contrecarrer ces tendances à l’hégémonie.
Le Mexique a d’ailleurs dénoncé le recours croissant à ces sanctions. Or, selon l’Éthiopie, ces mesures sapent la crédibilité du système multilatéral et entravent le développement des pays touchés et les mesures climatiques. Pour la Fédération de Russie, ces mesures fragilisent également le Programme 2030 et sapent les droits humains. Seul le Conseil peut prendre des sanctions et l’imposition de sanctions relève donc d’une usurpation, a-t-elle dit.
Dans la même veine, la République islamique d’Iran a dénoncé des mesures coercitives unilatérales qui violent une multitude de normes juridiques internationales établies. La délégation a rappelé à cette occasion que le 13 juin 2025, le régime israélien a lancé une agression non provoquée et préméditée contre l’Iran, ciblant des zones civiles où vivent des millions de personnes, tuant plus de 200 civils, dont des femmes, des enfants, des scientifiques et des professeurs d’université, et faisant plus d’un millier de blessés. L’Iran n’hésite pas à exercer son droit de légitime défense en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, et elle agit actuellement avec détermination, a dit son délégué.
Des sanctions qui seraient quand même utiles et nécessaires
D’autres délégations ont en revanche expliqué combien les sanctions peuvent contribuer à des objectifs et des résultats positifs. Israël a relevé que depuis plus de 50 ans, la République islamique d’Iran construit des infrastructures pour détruire Israël, sans que le monde ne fasse rien. L’opération « Lion dressé » (Rising Lion) était une nécessité, avec l’objectif de détruire les sites iraniens de lancement de missiles balistiques et d’autres structures de guerre, a noté le délégué. Il a fait observer que de son côté, l’Iran a visé et frappé des enfants et des civils. « S’il y a un régime qui mérite des sanctions, c’est bien le régime iranien », a-t-il martelé en déplorant leur absence après tant d’années de menace par l’Iran.
L’Union européenne (UE) a affirmé que les sanctions font partie des outils pacifiques dont dispose le Conseil de sécurité pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme le prévoit la Charte des Nations Unies. De même, les mesures restrictives autonomes de l’UE visent à cibler les responsables de transgressions et elles sont conformes au droit international, a-t-elle expliqué en faisant la comparaison. Elle a ajouté que les mesures restrictives de l’UE sont soigneusement conçues pour ne pas cibler la population civile et l’acheminement de l’aide humanitaire. Elles sont destinées à toucher seulement les responsables de graves violations du droit international et des droits de l’homme.
Les sanctions, quand elles sont appliquées pour répondre à des violations du droit, sont un moyen pacifique, a décrété l’Ukraine en dénonçant l’instrumentalisation de ce point de l’ordre du jour. Elle a jugé ironique que la Russie se pose lors de ce débat en défenseur du droit alors qu’elle a déclenché une guerre contre l’Ukraine, enlevant des enfants et ciblant des infrastructures civiles.
Explications de vote
Plusieurs délégations ont tenu à expliquer leurs votes, comme l’UE qui, par la voix de la Pologne, a relevé que le texte sème les graines d’une désunion et d’une division accrue. La délégation a demandé de ne pas oublier que certains des coauteurs de la résolution exercent des pressions économiques unilatérales sur d’autres pays ou adoptent des sanctions. L’UE a aussi alerté sur la surcharge que va impliquer ce texte sur les ressources humaines et financières de l’ONU et des États Membres, sans aucun bénéfice supplémentaire.
Pour le Canada, qui a rejeté le texte, les sanctions sont un outil légitime pour remédier à des violations du droit. Les sanctions visent à promouvoir la reddition de comptes, elles ne sont pas punitives par nature. Les conséquences pour les civils sont minimisées car elles sont ciblées. Le Royaume-Uni a, lui, expliqué que les sanctions britanniques visent à promouvoir les droits humains et un ordre basé sur des règles. Il n’est pas toujours possible pour le Conseil de prendre des sanctions en raison du veto, a-t-il fait valoir pour les justifier. Le Japon, qui a aussi voté contre ce texte, a craint qu’il n’entraîne des réunions inutiles. Et d’autres délégations opposées aux sanctions, comme les Émirats arabes unis, ont dit que d’autres enceintes sont plus appropriées que l’Assemblée pour en débattre.
D’autres ont soutenu le texte, comme l’Algérie ou l’Afrique du Sud, conscientes que les sanctions oblitèrent les efforts de développement durable. Le Soudan n’a pas dit le contraire, tout comme le Nigéria qui a défendu un « monde libéré des effets dévastateurs des sanctions ».
Journée internationale des personnes sourdaveugles
Consciente que la surdicécité est la combinaison d’une déficience visuelle et d’une déficience auditive d’une gravité telle qu’il est difficile pour les sens déficients de se compenser mutuellement, et qu’il s’agit donc d’un handicap à part entière, l’Assemblée générale a également adopté une résolution (A/79/L.92) en vertu de laquelle elle proclame le 27 juin de chaque année, à compter de 2025, « Journée internationale des personnes sourdaveugles ».
La Croatie, qui a présenté ce texte, a appelé les États à le soutenir car il reconnaît enfin une communauté fortement marginalisée. Après l’adoption, les États-Unis ont salué cette résolution mais ont dit ne pas être favorables à une journée dédiée à chaque handicap. Israël a également salué le texte tout en regrettant que les négociations aient fait voir des positions politisées sur ce texte.
Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe
Une autre résolution portant sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de coopération du Golfe (A/79/L.91) a également été adoptée sans vote. Par ce texte, l’Assemblée souligne l’importance des consultations de haut niveau entre le Secrétaire général de ladite Organisation, et encourage la poursuite des réunions annuelles organisées dans le cadre du dialogue stratégique.
En présentant le texte, la délégation du Koweït a mis l’accent sur les possibilités de médiation et de résolution des conflits qui résultent de la coopération entre les deux organisations.
Après l’adoption, l’Argentine a précisé s’être dissociée du Pacte pour l’avenir. Un commentaire fait également par les États-Unis.
Élection de membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial
Par un vote, l’Assemblée a élu l’Ukraine, avec 153 voix en sa faveur, à la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. Il s’agissait du second tour d’un scrutin entamé le 20 novembre 2024. Lors du premier tour de scrutin, l’Ukraine, la Croatie et la Slovaquie n’avaient pas obtenu le nombre de voix requis pour leur élection. Ces deux derniers États ont informé le Secrétariat qu’ils n’avaient pas l’intention de se porter candidats au deuxième tour de scrutin. L’Ukraine entamera donc son mandat dès le 7 juillet prochain jusqu’au dernier jour de la soixante-quatrième session de la Commission en 2031. Les Pays-Bas ont également été élus par acclamation pour un mandat similaire.
Suivez les délibérations: En direct de l'ONU | Couverture des réunions & communiqués de presse